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Les couleurs de l'attraction : comment les fleurs et les pollinisateurs évoluent ensemble

La couleur des fleurs et les pollinisateurs ont évolué dans une relation fascinante, où chacun influence l'autre dans ce qu'on appelle la « coévolution ». En Amérique du Nord, les pollinisateurs – notamment les abeilles, les oiseaux, les papillons et les chauves-souris – ont joué un rôle clé dans la coloration des fleurs, et vice versa. Les couleurs des fleurs sont une forme d'adaptation, évoluant pour attirer les pollinisateurs spécifiques qui leur conviennent le mieux. Explorons comment cela fonctionne.


1. Préférences de couleur des pollinisateurs

Abeilles : Les abeilles sont l’un des pollinisateurs les plus importants en Amérique du Nord et ont tendance à préférer les fleurs bleues et violettes. Elles voient également dans le spectre ultraviolet (UV), ce qui explique pourquoi de nombreuses fleurs pollinisées par les abeilles possèdent des motifs réfléchissant les UV, appelés « guides de nectar », qui guident les abeilles directement vers leur nectar. Certains guides de nectar sont visibles, d’autres non. C’est le cas de plantes comme les lupins et les iris, dont les couleurs ont évolué pour s’adapter à la vision des abeilles.



Oiseaux (surtout les colibris) : Les oiseaux ont généralement une bonne vision des couleurs et sont particulièrement attirés par le rouge, l'orange et parfois le rose. Les fleurs tubulaires rouges, en particulier, ont évolué chez de nombreuses espèces pour répondre aux besoins des colibris d'Amérique du Nord, qui ont une forte préférence pour les teintes rouges. Des fleurs comme les ancolies, les cardinaux et les trompettes de Virginie arborent ces couleurs, ce qui permet de signaler aux oiseaux la disponibilité de leur nectar.



Papillons : Les papillons sont attirés par les couleurs vives et chaudes comme le jaune, l’orange et le rouge. Ils se fient beaucoup à leur vue pour repérer les fleurs et possèdent un bon sens des couleurs, mais ils utilisent aussi l’odorat. Des fleurs comme l’asclépiade et l’échinacée ont évolué pour attirer les papillons, mettant en valeur ces couleurs et offrant souvent une surface d’atterrissage plane.



Chauves-souris et pollinisateurs nocturnes : Les chauves-souris, pollinisatrices assez courantes dans le sud-ouest des États-Unis, ont une mauvaise vision des couleurs, mais sont sensibles aux contrastes en basse lumière. Les fleurs qui attirent les chauves-souris ou les papillons de nuit sont généralement blanches ou pâles, ce qui les rend visibles au crépuscule ou la nuit.

2. Le rôle de la coévolution
La coévolution est un changement évolutif réciproque qui se produit entre deux ou plusieurs espèces. Dans le cas des fleurs et des pollinisateurs :

La couleur des fleurs évolue en réponse aux préférences visuelles des pollinisateurs qui sont les plus efficaces pour transférer le pollen de cette espèce de fleur particulière.
Les pollinisateurs, à leur tour, peuvent développer des traits (tels que des formes spécifiques de bec ou de langue, dans le cas des colibris et des abeilles) qui leur permettent un meilleur accès aux fleurs dont les couleurs les attirent.

Ce processus crée une boucle de rétroaction : les fleurs dont les couleurs attirent certains pollinisateurs sont mieux pollinisées, transmettant ainsi ces caractéristiques aux générations futures. À l'inverse, les pollinisateurs capables de localiser et de se nourrir efficacement des fleurs dont les couleurs sont bien visibles réussissent mieux à se reproduire.

3. Impacts écologiques et adaptations

La relation couleur-pollinisateur a également été façonnée par la diversité des écosystèmes nord-américains, des déserts et plaines aux forêts et zones côtières. En voici quelques exemples :
  • Les plantes du désert, comme celles pollinisées par les chauves-souris, ont tendance à être plus pâles et à fleurir la nuit.
  • Les plantes des bois, qui sont généralement pollinisées par les abeilles et les papillons, présentent davantage de violets et de bleus, répondant ainsi aux préférences des pollinisateurs diurnes.
  • De nombreuses plantes de jardin cultivées qui n’ont pas évolué aux côtés des pollinisateurs indigènes, ou qui ont été modifiées de manière significative par sélection artificielle, ne possèdent plus les caractéristiques qui les rendaient efficaces pour attirer ou maintenir les pollinisateurs.

4. Défis et évolution future

Les défis modernes, notamment la perte d'habitat, les espèces envahissantes et le changement climatique, ont perturbé les relations traditionnelles entre les pollinisateurs et les plantes. Bien sûr, les relations entre les plantes hôtes (papillons, mites, tenthrèdes, etc.) et leurs hôtes larvaires sont plus sensibles à ces défis. Bien que certaines abeilles indigènes aient un régime alimentaire spécialisé, composé de nectar et de pollen de groupes de plantes spécifiques, la plupart des abeilles indigènes sont généralistes et peuvent adapter leur régime alimentaire aux sources de nourriture disponibles. Ainsi, lorsque des espèces végétales rares déclinent ou disparaissent d'une région, les insectes qui en dépendent disparaissent également. Nous l'avons constaté en Ontario avec le bleu mélissa, l'hespérie tachetée et de nombreuses autres espèces de papillons et de mites.

À leur tour, avec le déclin de certains pollinisateurs, les plantes qui ont évolué spécifiquement pour dépendre de ces pollinisateurs peuvent avoir du mal à se reproduire. Cela pourrait affecter l'évolution de la couleur des fleurs au fil du temps, à mesure qu'elle se généralise ou s'adapte à d'autres pollinisateurs plus disponibles. Les orchidées en sont un parfait exemple : elles ont développé des caractéristiques très spécialisées en très peu de temps (sur le plan évolutif). Certaines de nos orchidées indigènes possèdent des guides de nectar extravagants et ont évolué pour tromper les abeilles en combinant couleur et parfum.

L'orchidée Calypso (Calypso bulbosa), par exemple, aussi appelée sabot de fée, ne produit pas de nectar, mais attire les bourdons et autres abeilles par son apparence et son odeur. L'orchidée Calypso a développé une fleur rose vif et colorée qui ressemble à des fleurs à récompenses, incitant les abeilles à se poser et à explorer la fleur à la recherche de nectar. Lorsque les abeilles tentent d'accéder à ce nectar inexistant, elles entrent par inadvertance en contact avec le pollen de l'orchidée, le transférant lors de leur passage à la fleur suivante.



En résumé, la relation entre la couleur des fleurs et les pollinisateurs en Amérique du Nord illustre la coévolution complexe entre les espèces. Les couleurs des fleurs permettent de comprendre quels types de pollinisateurs ont eu le plus d'impact sur le succès reproductif d'une plante, et ces teintes témoignent des liens évolutifs profonds qui unissent les plantes et les pollinisateurs dans divers paysages nord-américains.


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